Ramener de la vie au sein de l’entreprise sans remettre en cause le télétravail n’a pas été une mince affaire après la pandémie. Beaucoup d’interrogations ont persisté quant à la façon de réengager et redynamiser les équipes hybrides lorsqu’elles sont au bureau.
Fortes de leurs expériences respectives, Stéphanie Genevrier (architecte d’intérieur), Mathilde Dulioust (facilitatrice de transformations) et Makeba Chamry (designer de rituels) ont lancé un projet innovant baptisé le 3e lieu.
Leur objectif ? Créer du lien et du sens dans les équipes grâce à des espaces de travail revisités et des rituels porteurs de repères. De quoi vous donner des idées inspirantes !
Pouvez-vous, d’abord, nous raconter comment est née cette idée du 3e lieu ?
Stéphanie Genevrier : Nous sommes parties de l’envie d’aborder les espaces de travail différemment en nous demandant comment remettre — vraiment — l’humain au centre de l’entreprise. Comment y apporter un supplément d’âme ? L’après-Covid a transformé le rapport au travail. Il devient difficile pour certains dirigeants de redonner à leurs équipes un état d’esprit collectif, d’autant plus que le travail hybride continue de saper certaines relations : les échanges informels sont moins nombreux, la cohésion d’équipe est ébranlée, et les collaborateurs en souffrance ne sont pas immédiatement repérés. Tout le monde n’appréhende donc pas le distanciel avec joie ! Sur le long terme, c’est la performance globale des entreprises qui est en danger.
Dans les faits, comment aidez-vous les entreprises à relever ce défi ?
Stéphanie Genevrier : C’est un travail d’équipe ! Nous avons imaginé notre proposition sur le modèle d’un format court et collaboratif. Nous commençons par discuter avec le commanditaire afin de déterminer quelle est l’idée sous-jacente à sa demande. Cela nous permet d’organiser des entretiens avec certains collaborateurs identifiés, afin de comprendre leurs besoins, leurs attentes…
Nous mettons ensuite en place un atelier collaboratif qui va faire émerger les envies, les idées, les valeurs partagées. C’est un moment riche qui permet de réfléchir à quoi doivent servir les bureaux.
Tout cela nous permet de proposer un projet pour repenser l’espace : il peut s’agir de véritables travaux si le budget est là, ou simplement d’aménagements (mobilier de couleur, peinture, déco…). Nous proposons d’y associer des rituels qui auront émergé des discussions menées en amont et nous faisons des recommandations sur l’endroit pour les faire vivre, à quel rythme…
Auriez-vous des exemples concrets que vous pourriez partager avec nous ?
Stéphanie Genevrier : Bien sûr ! Nous avons récemment travaillé avec un bureau d’avocates. En lien avec les équipes, nous avons fait émerger la vision, les ambitions et les valeurs du cabinet. Mathilde Dulioust, spécialisée en intelligence collective, a aidé les collaborateurs à exprimer ce que devrait être leur nouveau bureau : un lieu à la fois sérieux et informel, qui fasse passer des émotions tout en soutenant des fonctions de concentration et de célébration.
En tant qu’architecte d’intérieur, j’ai proposé un accueil décontracté qui s’apparente à une cuisine américaine, ce qui est d’emblée quelque chose d’assez convivial. J’ai également imaginé une cabane pour que les clients aient un endroit cocon. Elle sert aussi de lieu de partage pour les rituels : Makeba Chamry a fait créer un mur des célébrations sur lequel les avocates posent des trophées — des objets emblématiques de leurs dossiers réussis.
Une ou deux fois par an, l’équipe sera amenée à se réunir pour parler de ces réussites. C’est un rituel qui soude et qui permet de se valoriser. Nous avons par ailleurs imaginé une salle de réunion qui sert de salle d’études. Je l’ai travaillée avec du bleu aux murs, pour le sérieux, et du jaune au plafond, pour le dynamisme. Makeba a proposé que ce soit également le lieu dans lequel les avocates iront se décharger de leurs émotions, faire descendre la pression.
C’est indispensable dans leur métier ! L’ensemble de l’équipe s’est immédiatement approprié l’espace, car il leur ressemble. Il est chargé de sens avec ses différents usages qu’elles sont les seules à connaître. C’est une belle réussite pour nous et pour leur cabinet !
Propos recueillis par Elisabeth DUVERNEY-PRET
Mathilde Dulioust, fondatrice de Libertalia.Work, Stéphanie Genevrier, fondatrice du studio Alfred, et Makeba Chamry, dirigeante du Bureau des rituels, ont imaginé le 3e lieu, un format court et collaboratif, pour redonner du sens aux bureaux et recréer du lien entre les équipes.