Le retard chronique : fléau ou jeu de pouvoir ? Dans un monde où la ponctualité est souvent considérée comme une vertu, les retardataires suscitent irritation et inquiétude. Entre manipulation stratégique et souffrance inconsciente, le retard met en lumière des enjeux psychologiques complexes, tant pour celui qui tarde que pour celui qui attend.
Le retardataire va, au début d’une collaboration (ou d’une relation amoureuse), souffrir pour cacher ce défaut, car il s’agit là d’un grand défaut. Une fois la sécurité installée (période d’essai terminée, premier contrat/travail honoré, séduction relationnelle confirmée), le retard va faire valoir ses droits d’exister, laissant libre cours à son art préféré : le mensonge créatif pour parer reproches et accusations.
Professionnellement, le retard majeur n’est une grande affaire pour personne, mais le petit retard ne présente que des avantages : un dédommagement commercial, une réduction du taux horaire dans certaines circonstances, des heures supplémentaires compensatrices, voire gratuites, un travail créatif, une procrastination programmée, etc.
Voilà comment le retard prend la forme d’un jeu de pouvoir stressant, certains diraient sadique, créant un état d’alerte et d’attente. Celui qui doit fournir les éléments tarde à les communiquer, celui qui doit rendre le travail laisse entrevoir un délai mal géré. C’est un fonctionnement psychologique tourmenté, mais nécessaire pour asseoir sa domination et se sentir en sécurité.
C’est aussi et surtout le reflet d’une grande souffrance où s’affrontent des contradictions émotionnelles, d’ordre inconscient, engendrées par les premières années de l’existence. En comprendre son origine, c’est réussir à sortir de cette étiquette de retardataire invétéré, et de trouver une stabilité émotionnelle pour accorder son rythme personnel à celui du monde professionnel voire sociétal.
Toujours en retard : l’avis de l’expert
« Comme le soulignait Gandhi, “ être en retard est un acte de violence ”, et j’ajouterai pour “ celui qui attend ”. Les profils manipulateurs utilisent le manque de ponctualité à des fins stratégiques : garder le contrôle, se faire désirer, asseoir leur supériorité, être libérateur de l’attente qui fait souffrir, être le messie. Sachant que ces mêmes individus détestent et refusent le retard des autres.
Puis, il y a les profils qui subissent inconsciemment leurs propres retards avec beaucoup de souffrance. Inconsciemment, parce que, malgré eux, les retardataires chroniques supportent le revers de la médaille bien plus que ceux et celles qui les attendent. Pour les Anglais “ le retard est le père de mille embarras. ” Et c’est le cas. Traités d’irrespectueux, de désinvoltes, d’incapables, d’irresponsables, ils se retrouvent empêtrés et angoissés dans un rôle mal taillé pour la société, et surtout pour eux-mêmes.
La construction psychologique des retardataires — inconscients — est un enchevêtrement entre la perception du temps qui se veut involontairement différent, le besoin de sécurité, le besoin d’attention, l’impossibilité à dire “ non ”, le manque de confiance, la peur d’être confrontée au succès ou au contraire à l’échec, le besoin d’adrénaline ou de se situer en marge, le rejet de l’autorité, vouloir rester dans l’imaginaire.
Au travers de l’éducation avec ses injonctions, croyances et transmissions familiales et sociétales, cette construction neurologique se fraye un chemin. Un enfant qui grandit auprès d’un parent systématiquement en retard, déclarant “ il vaut mieux arriver en retard qu’arriver en corbillard “ adoptera le même principe et pourra penser qu’arriver à l’heure c’est risquer de mourir”, puisque l’adage n’indique rien là-dessus.
Un bébé qui arrive plusieurs jours après la date officielle entendra toute sa vie : “toi, tu as toujours été en retard même le jour de ta naissance !”. Une jeune fille enregistrera qu’une femme pour se faire désirer, doit faire attendre l’autre, validé par Sacha Guitry “si elle est en retard, c’est qu’elle viendra”.
Un enfant qui a subi la pression scolaire et celle de la réussite mettra, plus tard, tout en œuvre pour échouer en arrivant systématiquement en retard à ses examens et entretiens. Un autre qui aura vu un proche être à l’heure avec des conséquences négatives à l’arrivée prendra, une fois adulte, tout son temps pour ne pas réactiver cet épisode traumatique.
Une angoisse fortement exprimée par un parent pour chaque retard vécu montrera à l’enfant que le retard est synonyme d’amour et d’attention “tu es en retard, je me suis inquiété”. Un reproche entendu au hasard d’une conversation agitée “qu’est-ce que tu nous fais chier avec tes horaires à la con, on s’en fout d’être à l’heure, ce qui compte c’est d’être là !” fera minimiser l’importance de respecter l’heure convenue…
Des TOCS et phobies peuvent aussi être la cause de retards répétés : paradoxalement, la phobie du retard pouvant survenir à la suite d’une humiliation devant toute une classe, la phobie du travail (ergo phobie), la phobie sociale, la phobie administrative, la phobie des transports ou de la conduite, la peur du jugement…
Ce qui est aussi intéressant est le regard sur l’autre, celui qui attend. Pour qu’il y ait en retard, il faut une attente à l’autre bout. Cet autre qui trépigne justement d’agacement ou de colère à force d’attendre (une lettre administrative, un courriel, un dossier, un contrat, un client, un collaborateur, un ami, une amoureuse…). La question est pourquoi la situation d’attente est aussi fréquente dans sa vie ? Qu’est-ce qu’elle vient révéler et réveiller ? Car finalement, le retardataire et l’attentiste ne sont que des miroirs respectifs en grande souffrance accompagnés d’un manque de sécurité. »
Laetitia DAUPLET,
psychoénergéticienne,
retrouvermaliberte.com.
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