Un modèle économique sous pression
Depuis le début du XXIe siècle, l’économie des stations de ski françaises est fragilisée par la fonte des glaciers, la remontée de la limite pluie-neige, et la baisse chronique de la clientèle skieuse. Les stations de basse et moyenne altitude sont les plus exposées, certaines devant déjà fermer leurs remontées mécaniques faute de neige, tandis que d’autres voient leur saison drastiquement raccourcie. Cette situation menace l’équilibre financier de nombreuses communes de montagne, qui peinent à renouveler leurs équipements et à diversifier leur offre touristique.
La diversification, clé de la résilience
Pour survivre, la montagne doit inventer un nouveau modèle, moins dépendant de la neige. De plus en plus de stations investissent dans des activités « quatre saisons » : randonnées, VTT, parapente, luge sur rails, espaces bien-être, gastronomie locale, et événements culturels. L’exemple de la station d’Hautacam, dans les Pyrénées, illustre cette transition : en 48 heures, elle passe du mode « neige » à une offre estivale riche, avec randonnées, trottinettes électriques, VTT ou parapente. Cette diversification vise à attirer une nouvelle clientèle en quête de nature, de grand air et d’expériences authentiques, loin du tout-ski.
Les séminaires d’entreprise, un laboratoire d’innovation
Dans ce contexte, le séminaire à la montagne sans neige devient un terrain d’expérimentation pour les entreprises et les organisateurs d’événements. Fini le tout-ski : place à des séjours axés sur la cohésion d’équipe, la créativité et la reconnexion à la nature. Les activités proposées s’adaptent : ateliers en plein air, randonnées, yoga, construction d’igloos (s’il reste un peu de neige), escape games nature, ou encore ateliers de sensibilisation à l’environnement et au changement climatique.
Ce nouveau format séduit de plus en plus d’entreprises, attirées par le cadre inspirant de la montagne et la possibilité de donner du sens à leurs événements, en phase avec les enjeux de la transition écologique. La montagne offre un environnement propice à la réflexion, à la créativité et au partage. Même sans neige, elle reste un lieu d’évasion et de ressourcement, idéal pour renforcer la cohésion des équipes.
Les défis de l’adaptation
Malgré ces initiatives, la mutation reste complexe. La production de neige artificielle, souvent présentée comme une solution, s’avère coûteuse, énergivore et peu efficace en cas de températures trop élevées. Les stations doivent aussi composer avec d’autres défis : vieillissement de la clientèle, inadaptation du parc de logements, tensions sur l’eau, et nécessité de financer à la fois le démantèlement des installations obsolètes et la diversification de l’offre.
La Cour des comptes appelle à la mise en place de véritables plans d’adaptation pour chaque station, conditionnant les financements publics à l’existence de stratégies de transition crédibles et durables. Elle préconise également la création d’un fonds d’adaptation au changement climatique pour accompagner les territoires les plus vulnérables.
Vers une montagne réinventée ?
Le séminaire à la montagne sans neige incarne la capacité du territoire à se réinventer. Il témoigne d’une prise de conscience collective : la montagne ne peut plus miser uniquement sur la neige, mais doit valoriser ses autres atouts, paysages, biodiversité, patrimoine, savoir-faire locaux. Ce virage est vital pour assurer la pérennité économique, sociale et environnementale de ces territoires d’exception.
La montagne, laboratoire du changement climatique, devient aussi un laboratoire d’innovation pour le tourisme et l’événementiel. Un défi colossal, mais aussi une opportunité unique de redéfinir le sens de l’aventure, de la convivialité et du ressourcement en altitude.
Laura TORTOSA