Avec un parcours de plus de 12 ans en tant qu’assistante de direction, puis formatrice spécialisée dans les métiers du secrétariat et de l’assistance, Clémence Bordy-Dupré nous offre un éclairage précieux sur l’évolution de ces professions à prédominance féminine. De la rupture des stéréotypes à la valorisation des compétences, elle aborde le changement de dénomination des postes, la place grandissante des soft skills, les challenges des reconversions et les transformations récentes du secteur.
Quel a été votre parcours professionnel ?
Ayant occupé le rôle d’assistante de direction pendant 12 ans, j’ai cultivé une détermination à transmettre les meilleures pratiques inhérentes à ma profession. C’est cet élan qui m’a poussée à reprendre le chemin des études, me permettant d’acquérir une licence et un master 2 en sciences de l’éducation et ingénierie pédagogique.
J’ai progressivement pris conscience du décalage entre l’évolution de mes responsabilités et les stéréotypes tenaces associés à ce métier à prédominance féminine. L’image de la « secrétaire exécutante » persistait, alors que mes tâches ressemblaient de plus en plus à de la gestion de projet. C’est ainsi que l’idée de devenir formatrice s’est imposée à moi comme une évidence, et cela remonte maintenant à 6 ans.
Quelle est votre vision aujourd’hui du métier d’assistante ?
Aujourd’hui, ma vision du rôle d’assistante a évolué : les professionnels qui occupent ce type de poste sont désormais engagés dans une démarche de gestion de projet, en soutien des équipes de direction. Nous sommes passés d’un mode de travail hiérarchique à une approche plus collaborative. Le titre du poste a également évolué, nous parlons désormais de « collaborateur », une transformation qui se reflète également dans les programmes de formation. Par exemple, le « BTS Assistante Manager » est devenu le « BTS support à l’action managériale ».
Ce changement de dénomination met en évidence une tendance à éliminer l’aspect « assistant » au profit d’un profil plus collaboratif. C’est moins réducteur et plus en phase avec les nouvelles responsabilités et le positionnement au sein de l’organisation. Cela témoigne d’une plus grande reconnaissance de la profession et du désir d’attribuer des missions à plus grande valeur ajoutée pour l’entreprise.
Quelles sont, selon vous, les compétences aujourd’hui indispensables pour être efficient ?
Plus que jamais, certaines compétences douces, ou soft skills, sont primordiales. Parmi elles, la capacité à communiquer et à concilier afin de prendre en compte les attentes et les besoins de chacun. Cela implique de trouver des solutions et des compromis en toutes circonstances. L’aptitude à l’analyse est également essentielle pour bien cerner les enjeux exprimés, sans oublier l’importance du langage non verbal, comme la gestion du stress.
Les compétences organisationnelles sont très appréciées, car elles facilitent la gestion d’équipe, la conduite de projets, la gestion des urgences et l’anticipation.
Cependant, les professionnels d’aujourd’hui doivent maintenir une curiosité active envers les outils, notamment ceux relatifs aux nouvelles formes d’interaction en entreprise. Il s’agit notamment des plateformes numériques de réunion comme Zoom ou Teams, ou des plateformes d’échanges et de gestion de projets comme Slack. Ces outils pourraient ne pas être immédiatement utilisés par l’employeur, mais ils pourraient être rapidement adoptés à la demande de la direction ou d’un client. Il est donc nécessaire de rester prêt et de maintenir une attitude proactive.
Vous accompagnez principalement des profils en reconversion, quels sont les challenges ?
Effectivement, je me consacre à l’accompagnement de stagiaires dans le cadre de formations professionnelles de niveau bac et bac +2, comme le secrétaire assistant, le secrétaire médico-social, le secrétaire comptable et l’assistant commercial. Il s’agit de certifications professionnelles délivrées par le ministère du Travail et enregistrées au RNCP. La poursuite d’études supplémentaires est également envisageable. L’avantage de ces formations est qu’elles durent environ un an et se focalisent sur des apprentissages hautement opérationnels et professionnels.
Notre organisme de formation, par exemple, est équipé d’un plateau technique doté d’ordinateurs et du matériel nécessaire pour simuler des situations professionnelles. Ainsi, la théorie laisse la place à des mises en situations professionnelles. Les stagiaires profitent d’une formation de groupe, renforcée par des accompagnements individualisés réguliers. Ces formations sont généralement proposées en alternance, finançables par le CPF ou un fonds de formation. Elles sont modulables en fonction de l’expérience et du projet professionnel grâce à l’articulation de la formation en blocs de compétences.
Peut-être que le principal enjeu réside dans la capacité à (re) donner confiance à des individus qui ont parfois connu une rupture difficile dans leur parcours professionnel. Une des plus belles récompenses est d’entendre, après quelques mois de formation : « Je sais maintenant que j’en suis capable » ou « Je sais que je suis en mesure de le faire » !
Quelles évolutions constatez-vous actuellement sur ces métiers de « collaborateurs administratifs » ?
De nos jours, davantage d’hommes suivent ces formations, en particulier suite à des reconversions dans le secteur de la restauration après la pandémie. Cela conduit à une plus grande parité. En outre, ces postes ne sont plus nécessairement exercés en CDI, mais aussi en intérim ou en freelance. Nous nous éloignons de plus en plus de l’image de la secrétaire qui occupe un poste « par sécurité », au profit de talents experts et véritablement investis.
Il est possible de certifier ses compétences en français avec le Certificat Voltaire, en anglais avec le TOEIC, en bureautique avec la certification ICDL. Cela permet de valoriser ses compétences et de se démarquer. De nombreux profils choisissent de se spécialiser (dans le juridique, les appels d’offres, etc.).
De plus, davantage de groupes d’échanges se forment sur les réseaux sociaux, et de plus en plus de profils indépendants rejoignent les réseaux professionnels au même titre que les autres entrepreneurs. Cela démontre une volonté de professionnaliser ces missions, de valoriser ce métier, de le placer au cœur des organisations, notamment en ce qui concerne la RSE.
Du côté de la formation, il faut également adapter un peu les méthodes pédagogiques à destination des jeunes générations, avec des contenus plus dynamiques et des sessions moins longues. Cela peut se faire à travers la ludopédagogie, les jeux de rôle notamment. Il est également important d’écouter attentivement pour nourrir un sentiment sincère de considération.
Quel rôle les entreprises peuvent-elles jouer dans l’évolution de la profession ?
Enfin, il est crucial que les formations restent en phase avec les (nouveaux) besoins des entreprises. Ces dernières doivent donc être engagées dans une démarche de co-création pour permettre aux établissements d’enseignement d’adapter leurs programmes avec le temps. De plus, les associations professionnelles, comme la FFMAS, jouent un rôle crucial dans l’évolution des mentalités et de la perception du métier, car ce sont elles qui établissent les référentiels communs.
L’alternance facilite également le développement d’une nouvelle approche de ce métier, avec de nouveaux projets, de nouveaux outils, de nouveaux profils. Ce métier va continuer à évoluer, notamment avec l’intelligence artificielle. Il est donc essentiel de savoir se renouveler, de rester en veille pour identifier les nouveaux besoins, de se former aux nouvelles techniques et d’être force de propositions pour répondre aux nouvelles pratiques, ainsi qu’aux enjeux environnementaux et sociétaux. La formation peut servir de levier pour accompagner ces changements.
Propos recueillis par Barbara HADDAD
Clémence Bordy-Dupré, ingénieure pédagogique et formatrice référente au GRETA-CFA Provence, secteur Ouest Étang de Berre.