Les métiers de l’assistanat sont exercés par une écrasante majorité de femmes. Même si de nombreuses associations et fédérations agissent sur tous les fronts pour réduire les stéréotypes liés à cette profession, les mentalités changent doucement.
Patrick Scharnitzky, psychologue et expert pour AlterNego, cabinet de conseil spécialisé en négociation et gestion de conflits en entreprise, et auteur du livre « Les stéréotypes en entreprise : les comprendre pour mieux les apprivoiser » aux éditions Eyrolles, nous éclaire sur le sujet.
Pourquoi vit-on avec des stéréotypes ? Comment cela fonctionne dans l’esprit ?
Notre cerveau est incapable de traiter les informations qu’il reçoit dans leur complexité et dans toute leur exhaustivité. La partie intuitive de notre cerveau va donc essayer de simplifier ces informations pour nous permettre de voir le monde d’une façon moins complexe. Le stéréotype est ainsi une solution cognitive inconsciente qui naît de certaines croyances collectives. Sans lui, nous serions sans cesse en train de remettre en cause toute notre perception du monde. On catégorise donc les gens en fonction de l’idée que dans chaque groupe ils sont et font les mêmes choses.
En quoi le stéréotype est-il différent du préjugé ?
Le préjugé est une attitude défavorable beaucoup plus personnelle, envers une personne ou un groupe. C’est une opinion préconçue. Le stéréotype est, quant à lui, un ensemble d’informations qui ne se met en branle dans le cerveau face à telle ou telle personne. Par exemple, si vous croisez une personne âgée dans la rue, vous allez naturellement lui parler plus fort ! Le stéréotype est ici positif puisqu’il permet d’adapter son comportement. Mais il devient discriminatoire lorsqu’on ne vérifie pas qu’il est vrai, puisque pour cet exemple, toutes les personnes âgées ne sont pas sourdes !
Lorsque l’on parle de discrimination liée au genre, quelles sont les idées qui reviennent au sujet des femmes et des hommes en entreprise ?
Les femmes sont considérées comme ayant une intelligence plus intuitive que rationnelle. C’est le syndrome du sixième sens. Elles auraient aussi plus d’empathies dans les relations humaines que les hommes. En revanche, on imagine qu’elles manquent de leadership et de capacité à prendre des décisions. Quant aux hommes, ils ont initialement conçu les entreprises pour eux. On considère donc qu’ils sont faits pour diriger, qu’ils ont confiance en eux, qu’ils sont capables de poser des stratégies sur le court et le long terme…
Et lorsqu’un homme ou une femme exerce une fonction où on ne l’attend pas, que se passe-t-il dans la tête de ses interlocuteurs ?
Un homme qui exerce un métier dit féminin va être d’emblée considéré comme n’étant pas viril ! De même qu’on pensera qu’une femme qui sera conductrice d’engin de chantier ne peut pas être féminine. Le contact avec ces personnes permettra ensuite au cerveau de comprendre que ce stéréotype n’est pas correct. Mais dans l’idée générale, ce postulat est encore bien encré.
Quels sont les moyens, en entreprise, pour lutter contre ces stéréotypes ?
Il y a d’abord un levier organisationnel. L’entreprise doit être univoque dans ses valeurs et dans sa lutte contre les discriminations. Si on autorise un manager à faire des blagues sexistes sur les femmes, cela signifie qu’on autorise les stéréotypes. De même, accepter de payer davantage un homme qu’une femme, sur un même poste, c’est accepter le stéréotype et en faire une discrimination. Le dirigeant de la société doit également montrer l’exemple. Pourquoi, dans une réunion, il demanderait à la seule femme présente de prendre des notes ? Enfin, chacun doit réfléchir au stéréotype qu’il a envers lui-même, envers le groupe auquel il appartient. Il faut éviter toute logique de mimétisme et d’autocensure sinon on se pose rapidement des barrières en considérant que l’on n’est pas capable de faire mieux.
Qu’a-t-on à gagner à plus de mixité ?
La mixité est un bon levier de performance. On sait désormais que les entreprises plus hétérogènes sont plus efficaces que les autres, car quand il y a de la diversité, il y a plus de créativité. Les collaborateurs répondent mieux à des problèmes nouveaux. Nous allons donc dans le bon sens ces dernières années avec une féminisation de nombreux métiers qui étaient jusqu’ici très masculins. Les esprits ont changé, les femmes vont plus facilement vers ces métiers. En revanche, il est vrai qu’on ne parle pas suffisamment de l’enjeu de la masculinisation de certains métiers. La société n’est pas encore tout à fait prête. Il est beaucoup plus compliqué pour un homme de revendiquer sa volonté de faire un métier de femmes. D’où l’importance de réfléchir à tous ces stéréotypes et de les faire évoluer.
Propos recueillis par Elisabeth DUVERNEY-PRET
Patrick Scharnitzky, psychologue et expert pour AlterNego, cabinet de conseil spécialisé en négociation et gestion de conflits en entreprise, et auteur du livre « Les stéréotypes en entreprise : les comprendre pour mieux les apprivoiser » aux éditions Eyrolles.