La crise du Covid-19 a propulsé le télétravail au premier plan pour de nombreux travailleurs. Cette époque a marqué un tournant majeur pour les entreprises. Initialement adopté en réponse aux directives gouvernementales, le télétravail a ensuite été plébiscité par les employés à travers des accords collectifs. Cependant, à l’instar des géants technologiques américains comme les GAFAM, qui étaient des précurseurs du télétravail, de nombreux chefs d’entreprise envisagent de rappeler leurs équipes en présentiel. Alors, comment un(e) assistant(e) RH ou un office manager peut-il gérer cette transition vers le télétravail ?
Le télétravail : une habitude difficile à perdre
La pandémie a clairement bouleversé les attentes en matière de conditions de travail. Ce que beaucoup considéraient autrefois comme un avantage ou un privilège est désormais perçu comme une norme ou une exigence par de nombreux salariés. L’étude menée fin 2022 par Woby, éditeur d’une solution permettant de gérer flex office et travail hybride, en est une preuve éclatante. Pas moins de 92 % des salariés interrogés souhaitent adopter un modèle hybride, combinant travail en présentiel et à distance. De plus, 87 % d’entre eux apprécient le télétravail, et un impressionnant 65 % envisagerait de quitter leur poste si cette option leur était retirée. Ces chiffres soulignent l’importance pour les entreprises de reconsidérer leurs politiques de travail afin d’attirer et de fidéliser les talents.
La transformation du monde du travail vers le télétravail n’est pas uniforme et dépend fortement du secteur d’activité. Comme le souligne l’Insee, bien que le taux de télétravail ait augmenté, passant de 3 % en 2017 à 22 % en 2022, il reste encore beaucoup de profession où le travail à distance n’est pas réalisable. En effet, des secteurs tels que l’industrie, les soins de santé, le BTP et l’agriculture ont des contraintes qui rendent le télétravail difficile, voire impossible.
D’un autre côté, il est logique que les domaines du numérique, des nouvelles technologies et de la finance, comme le note l’OCDE, aient adopté le télétravail plus rapidement et plus largement. Ces secteurs sont naturellement plus adaptés au travail à distance grâce à la nature de leur travail. Le cabinet McKinsey met en évidence une autre tendance intéressante : les jeunes professionnels, en particulier ceux âgés de 24 à 35 ans, sont plus enclins à adopter le télétravail. Avec 39 % d’entre eux travaillant à distance à temps plein
Avec 87 % des personnes interrogées exprimant le désir de retrouver leurs collègues et 77 % souhaitant interagir avec d’autres équipes, il est clair que le contact humain et la collaboration en face à face sont toujours très valorisés. De plus, 71 % des répondants voient la valeur du travail en présentiel pour les projets collectifs, soulignant l’importance de la synergie d’équipe. Cependant, le fait que seulement 18 % des personnes interrogées ne retourneraient au bureau que si elles y étaient contraintes par leur employeur montre que la liberté de choisir où travailler est devenue une priorité pour beaucoup.
Il se dégage une grande tendance de cette étude : le modèle de travail hybride, combinant à la fois le présentiel et le distanciel, est devenu la nouvelle norme pour de nombreux salariés français. Les dirigeants d’entreprise devront tenir compte de cette tendance lorsqu’ils envisageront des changements futurs, car aller à l’encontre des préférences des employés pourrait s’avérer contre-productif.
Comment gérer le télétravail des salariés ?
Les données fournies par le cabinet de conseil immobilier JLL offrent un aperçu fascinant de l’évolution du paysage professionnel en France et en Europe. Contrairement à certaines idées reçues, les Français semblent passer plus de temps au bureau que la moyenne européenne, avec 3,5 jours par semaine contre 2,7 jours pour leurs homologues européens. Cela démontre que, malgré l’adoption croissante du télétravail, le bureau conserve une place centrale dans la vie professionnelle de nombreux Français.
L’étude de JLL de juillet 2023 confirme cette tendance, indiquant que la majorité des salariés préfèrent un équilibre, avec deux jours de télétravail par semaine. Il est intéressant de noter que 78 % des télétravailleurs optent pour un rythme de 1 à 3 jours de télétravail par semaine, le vendredi étant le jour le plus populaire pour travailler à distance.
L’émergence du flex office et des espaces de coworking témoignent de la diversité des environnements de travail adoptés dans le cadre du modèle hybride. En effet, tous les télétravailleurs ne travaillent pas nécessairement de chez eux. Certains peuvent choisir de travailler dans des espaces partagés pour diverses raisons, telles que le besoin d’un environnement professionnel, la recherche de collaboration ou simplement la volonté de changer de cadre.
Pour les assistant(e)s RH et les office managers, la gestion de ces nouvelles dynamiques de travail représente un défi majeur. Ils doivent non seulement suivre où et quand les employés travaillent, mais aussi coordonner avec les chefs de service pour s’assurer que les plannings sont respectés et que les accords, qu’ils soient tacites ou formels, sont mis en œuvre de manière efficace.
Vers la fin du télétravail
Le phénomène n’a pas encore atteint, du moins à grande échelle, la France. Toutefois, force est de constater comment les grandes entreprises, en particulier celles qui étaient à la pointe de cette tendance, réévaluent leurs politiques. La cohésion d’équipe est souvent citée comme une préoccupation majeure, et il est compréhensible que les entreprises cherchent à trouver le bon équilibre entre le travail à distance et le travail en présentiel pour maintenir cette cohésion.
Les GAFAM, qui étaient autrefois des champions du télétravail, semblent maintenant adopter une approche plus modérée. Google, par exemple, demande à ses employés de revenir au bureau au moins trois jours par semaine. D’autres géants, tels que Zoom et Citi, ont également mis en place des politiques plus strictes concernant le travail à distance, allant jusqu’à menacer de licenciement ou de considérer l’absence prolongée comme une démission.
Il est également notable que des entreprises emblématiques comme Tesla, SpaceX, X (ex-Twitter), JP Morgan, Dyson et Disney adoptent des politiques plus restrictives en matière de télétravail. Cela montre que, malgré les avantages du travail à distance, de nombreuses entreprises valorisent toujours la présence physique de leurs employés.
La France, bien que n’ayant pas encore adopté ces tendances à grande échelle, est susceptible de suivre l’exemple de ces géants internationaux. Les entreprises françaises ont souvent tendance à s’inspirer des pratiques de management des entreprises anglo-saxonnes. Il est donc possible que le « monde d’après » que l’on imaginait ne soit pas aussi révolutionnaire en matière de télétravail que ce que l’on espérait initialement.
Cependant, chaque entreprise et chaque culture d’entreprise est unique, et il est essentiel de trouver le bon équilibre qui convient à la fois aux employés et à l’organisation. Seul l’avenir nous dira comment le paysage du travail évoluera en France et dans le monde.
Matthieu CHAUVIN