Catastrophe ! L’annonce a fait l’effet d’une bombe : un de vos collègues annonce qu’il est aux prises avec des punaises de lit chez lui, ou pire encore, que les bureaux sont infestés. La balle est dans votre camp pour endiguer ce fléau, que vous soyez assistant(e) de direction, professionnel (le) des ressources humaines, ou office manager, en partenariat étroit avec les services généraux. Il est impératif de suivre certaines directives pour naviguer à travers cette tempête.
Les punaises de lit, ces minuscules vampires nocturnes, trustent le haut de l’échelle des préoccupations publiques, en particulier dans la capitale, déjà sous le feu des critiques écologistes pour sa population croissante de « surmulots ». Mais désormais, l’ensemble du territoire français est sous la menace de cette invasion. Les récentes apparitions de ces nuisibles dans des lieux jusqu’alors épargnés, comme les transports en commun, les foyers de travailleurs, les établissements scolaires et même les entreprises, sonnent l’alarme. Et le monde professionnel se retrouve en première ligne, face à des questions inédites et complexes.
Les cas d’infestations dans les bureaux mettent en lumière un dilemme professionnel inattendu. Est-ce qu’un employé peut légitimement refuser de pointer au bureau si une armée de punaises de lit y a élu domicile ? La question est d’autant plus pertinente en ces temps où la santé et la sécurité au travail sont plus que jamais sur le devant de la scène.
D’autre part, si ces indésirables franchissent le seuil du domicile d’un salarié, le télétravail peut-il être la solution de repli ? Cela ouvre un débat sur la flexibilité du travail et les mesures d’urgence que les employeurs doivent envisager pour assurer la continuité de l’activité.
L’entreprise garante de la santé des employés
La découverte de punaises de lit au sein des locaux d’une entreprise n’est pas à prendre à la légère. Les employeurs se retrouvent face à une obligation, celle de garantir la sécurité et la santé de leurs salariés comme stipulé dans l’article L. 4121-1 du Code du travail. Les punaises de lit ne sont pas seulement une nuisance, elles représentent un réel danger pour la santé, même si elles ne véhiculent pas de maladies.
Selon le ministère de la Santé, les effets vont de simples piqûres à des réactions allergiques sévères, pouvant dans des cas extrêmes conduire à des troubles psychologiques ou même à l’anémie. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) souligne également l’impact psychologique et le coût financier conséquent associés à une infestation, avec un coût moyen de 866 € par foyer pour éradiquer ces nuisibles.
La désinfection des locaux
En 2019, la facture sanitaire liée à ces infestations a atteint 83 millions d’euros en France. Une somme astronomique qui inclut des coûts associés à la dégradation de la qualité de vie, aux troubles du sommeil et aux impacts sur la santé mentale. Environ 1 million d’euros ont été consacrés aux arrêts de travail et près de 3 millions d’euros aux soins physiques. Il est donc impératif pour les employeurs de réagir promptement.
La désinfection des locaux est la première étape, avec l’intervention de professionnels agréés. L’ANSES recommande initialement des méthodes naturelles, telles que le traitement par chaleur sèche ou la congélation, avant de recourir à des solutions chimiques en cas de nécessité. L’employeur doit également doter son personnel d’équipements de protection contre les piqûres, notamment celui en charge du nettoyage.
Le droit de retrait du salarié
Le cadre légal, via l’article L.4131-1 du code du travail, permet à un salarié de faire valoir son droit de retrait s’il estime que son environnement de travail présente un danger grave et imminent pour sa santé. Toutefois, la jurisprudence en la matière reste limitée, avec une décision notable de la Cour d’appel de Lyon en 2016, qui n’avait pas reconnu l’infestation de punaises de lit comme un danger grave et imminent.
Cependant la même Cour d’appel a prononcé en 2018 la nullité d’un licenciement d’un salarié qui avait exercé son droit de retrait suite à de multiples piqûres sur son lieu de travail… Le flou juridique est pour l’instant total. Mais une empoignade à l’Assemblée nationale a eu lieu le 3 octobre 2023 entre Mathilde Panot, présidente de LFI, et la Première ministre Elisabeth Borne. Le gouvernement s’est ainsi engagé à accentuer la lutte contre les punaises de lit. Ce problème sanitaire va-t-il enfin être pris au sérieux ?
À noter : Selon Nicolas Roux de Bézieux, co-fondateur de l’entreprise d’éradication des nuisibles Badbugs « Les punaises se transportent surtout dans les valises des voyageurs. Elles ont du mal à s’accrocher longtemps aux vêtements. Ainsi, vous avez peu de chances d’en ramener chez vous après avoir pris le métro ou si vous travaillez dans une entreprise infestée. Un conseil : quand vous passez la soirée chez des amis, évitez, comme c’est souvent le cas, de poser vos manteaux sur le lit de vos hôtes ».
Le télétravail comme protection
Dans un contexte où le télétravail a été largement adopté en réponse à la pandémie de Covid-19, cette option peut également être envisagée en cas d’infestation par des punaises de lit. Selon les accords en vigueur au sein de l’entreprise, cela peut être une solution alternative permettant d’assurer la continuité de l’activité tout en garantissant la sécurité des salariés. Toutefois, la mise en œuvre du télétravail dans ce contexte précis n’est pas explicitement couverte par la législation, posant là aussi un dilemme juridique.
Matthieu CHAUVIN