« Un travail se doit d’être parfait. Sinon, autant ne rien faire ! » Cette phrase gronde comme le sifflet du gendarme dans l’esprit du perfectionniste. Cet impératif bruyant, dépourvu d’harmonie et d’indulgence, s’invite inlassablement dans sa réalité, dans son esprit. Ses maîtres-mots : exigence, excellence et perfection.
Ses adverbes fétiches : plus et mieux.
De prime abord, rien d’anormal, car d’une façon générale, ce sont des qualités et un état d’esprit fort appréciés. Faire preuve d’implication et de dépassement sont des valeurs assurant un travail sérieux et constant nécessaire à la réussite. À la condition bien sûr que cela soit réalisé dans un esprit sain et consciencieux, ce qui est loin d’être le même degré d’exigence que s’impose le perfectionniste qui ne voit aucune variable entre le 0 % et le 100 %. Tout ou rien.
Malheureusement la majorité de ses objectifs sont péniblement inatteignables, voire inaccessibles, ce qui le place dans des conditions de stress intense avec des répercussions douloureuses également pour ses proches qu’il cherche à contrôler pour que tout soit parfait.
Le perfectionniste passe malgré lui, son existence à être frustré, insatisfait, amer et à passer à côté de sa vie voire celle de son entourage. Un inventaire à la Prévert : autocritique, hyper-responsabilisation, incapacité à poser des limites et à déléguer, recul et autoanalyse tronqués, posture défensive, contraintes rigides. Il ne s’autorise aucune marge d’erreur réelle ou imaginée, à cheval sur le petit détail qui semble présenter des conséquences supposées.
Vous l’avez compris, il est en constante recherche de la perfection absolue voire divine afin d’être irréprochable. Alors que paradoxalement, décortiquer et peaufiner à l’extrême provoquent une désorganisation menant parfois à la procrastination, et souvent aux retards donc aux reproches qui mettent en lumière une certaine imperfection qui devra être douloureusement réévaluée la fois suivante, et ainsi de suite jusqu’au burn-out.
Tout est une question d’équilibre, et le perfectionniste lui est dans l’excès, le trop, le surplus, la surcharge. Parce que l’essentiel réside dans un équilibre entre la possibilité, le faisable et les moyens qui sont mis à disposition tant pour lui-même, que par les autres et la Société.
Toujours plus, toujours mieux : l’avis de l’expert
« Le perfectionnisme peut être inné. Selon le modèle des Big Five ou l’HEXACO, ce trait de caractère peut venir d’un mélange détonnant entre la conscienciosité (efficacité, organisation, prudence, vigilance, travail bien fait, rigueur, autodiscipline, prévoyance, délibération) et le neuroticisme (intelligence émotionnelle faible donnant lieu à de l’anxiété, de la colère, de la culpabilité, de la déprime), très souvent accentué par l’environnement.
Un enfant partageait un dîner avec ses copains et son frère pendant que les parents prenaient l’apéritif dehors caressés par l’air printanier. Cet enfant, qui prenait le temps d’apprécier son repas, de rire et de parler, finit par être le dernier à terminer son assiette. Sa mère, voyant cela, se lève d’un bond, et retenant sa colère, lui dit sèchement : “regarde-toi ! Tu es le dernier ! Chez nous, il n’y a pas de dernier ! Ton frère l’a parfaitement compris. Il a terminé le premier. Pour la peine, tu débarrasseras et nettoieras la table et je veux que ça soit nickel.”
Cette mère aux exigences personnelles très élevées, reproduis certainement ce qui lui a été inculqué et démontre en réalité une vulnérabilité profonde face à une société toujours plus compétitive et individualiste, avec une peur excessive du jugement.
L’enfant qui se retrouve dans un système où tout est poussé à l’extrême avec une dualité entre jouer qui est un besoin vital et incroyablement riche pour son développement et sa position au sein de la famille, du milieu scolaire et de la communauté qui le projette, à peine né, dans un avenir où seule la réussite professionnelle et financière compte. Ces attentes dysfonctionnelles de la part de l’entourage calculent la valeur de leur progéniture en fonction de ses succès et de son statut social. Dans cet environnement, le “faire de son mieux” ne suffit pas.
Si vous ne présentez pas le plus du plus que l’autre a en plus, la croyance que vous n’arriverez à rien s’installe. Cela se joue dans une fratrie (qui naturellement est en compétition) avec une rivalité exacerbée par cet état esprit contre-productif en réalité. Pour ne pas décevoir, réduire à néant les erreurs, supprimer toute critique blessante et humiliante, être surtout reconnu et aimé, l’enfant grandit en croyant qu’être parfait sera la solution et sacrifiera tous les plaisirs.
Adulte, il développera un profil d’attachement dit évitant : le cœur et les émotions seront mis à l’écart pour laisser place à une rationalité excessivement perfectionniste. Ce qui paradoxalement le conduira à des auto-sabotages, des abandons d’études, des échecs relationnels, un manque de confiance important, des troubles alimentaires et de sommeil, des TOCS, des phobies, un haut niveau élevé d’anxiété menant jusqu’à la dépression avec des idées et des comportements suicidaires.
Les personnes qui souffrent du syndrome de l’imposteur peuvent entrer dans ce cercle infernal du perfectionnisme afin d’être reconnues par leurs pairs. Elles vont s’obliger à connaître un sujet sur le bout des doigts afin de répondre et parer à tout piège, question et objection.
Pour sortir du profil de perfectionniste, les méthodes vont être les mêmes que celles utilisées pour la gestion de la phobie, la dépression, les peurs paniques, et autres troubles anxieux. Revoir tout le système de valeur avec la confiance et l’estime de soi qui vont être placées au cœur du travail thérapeutique afin de rassurer l’enfant intérieur qui craint toujours les représailles, le rejet de ses parents et de la société, synonymes de danger.
Il est primordial de prendre conscience que l’erreur est humaine, et permet, bien au contraire, de mieux réussir dans ses choix et ses actions. Reprendre goût aux plaisirs de la vie. S’accorder des moments de douceur et de détente. Comprendre l’intérêt du lâcher-prise et de la flexibilité et les mettre en pratique par de petites actions qui démontreront qu’elles n’ont finalement aucun impact négatif sur l’existence. »
Laetitia DAUPLET,
psychoénergéticienne,
retrouvermaliberte.com.
Lire notre article sur l’art de dire non de manière diplomatique