Ce phénomène, décrit pour la première fois en 1978 par les psychologues Pauline Rose Clance et Suzanne Imes, touche des individus persuadés de ne pas mériter leurs succès et de tromper leur entourage professionnel. Selon une étude menée par la société de recrutement YoungCapital, près de 70 % des jeunes diplômés en Europe se sentent victimes de ce syndrome. Mais pourquoi ce sentiment est-il si prégnant au début de la carrière, malgré des qualifications indéniables ?
Un climat propice à l’anxiété : réseaux sociaux, concurrence et culture de l’excellence
Plusieurs facteurs expliquent la montée en flèche du syndrome de l’imposteur chez les jeunes professionnels. D’abord, les réseaux sociaux. L’omniprésence des plateformes comme LinkedIn, Instagram ou encore TikTok exacerbe la pression sociale. Les jeunes se retrouvent constamment confrontés aux réussites (souvent embellies) de leurs pairs, renforçant l’impression de ne pas être à la hauteur. Cette vitrine de succès immédiats et de carrières fulgurantes crée une fausse norme, où la réussite semble simple et rapide. Le contraste entre cette image lissée et la réalité du monde du travail est brutal pour beaucoup de jeunes entrants sur le marché, générant un sentiment d’insécurité.
Par ailleurs, la concurrence accrue sur le marché du travail contribue à ce malaise. Avec des exigences professionnelles toujours plus élevées et un taux de chômage significatif dans certaines industries, les jeunes diplômés doivent souvent faire leurs preuves dès leurs premiers postes, accentuant la peur de l’échec. La culture du travail intense, voire du « burn-out glorifié », valorise ceux qui semblent invincibles, laissant peu de place à la vulnérabilité ou à l’apprentissage graduel.
Les conséquences psychologiques : doute de soi et sous-performance
Le syndrome de l’imposteur se manifeste par des pensées récurrentes de doute : « Suis-je vraiment à la hauteur ? », « Mes collègues vont-ils découvrir que je ne suis pas compétent(e) ? ». Ce dialogue interne négatif peut entraîner des répercussions sur la performance professionnelle. Par peur de l’échec ou du jugement, certains évitent de prendre des initiatives ou de demander de l’aide, renforçant ainsi la spirale de l’isolement. En outre, ce stress constant peut avoir des effets sur la santé mentale, entraînant anxiété, épuisement et, dans les cas les plus graves, dépression.
Conseils pratiques pour le surmonter
Face à ce phénomène croissant, il est essentiel de proposer des solutions concrètes aux jeunes diplômés pour qu’ils puissent surmonter ce sentiment d’illégitimité et s’épanouir dans leur carrière. Voici quelques stratégies pour se sentir plus légitime dans son rôle professionnel :
Reconnaître ses accomplissements : il est crucial de prendre le temps d’évaluer objectivement ses réussites, qu’elles soient grandes ou petites. Tenir un journal de ses réalisations professionnelles peut aider à visualiser concrètement les compétences acquises et les objectifs atteints.
Accepter l’apprentissage continu : l’une des erreurs fréquentes est de croire qu’on doit tout savoir dès son arrivée sur le marché du travail. Pourtant, l’apprentissage est un processus continu. Accepter de ne pas tout connaître et de demander de l’aide lorsque nécessaire est un signe de maturité et non de faiblesse.
Se détacher des réseaux sociaux : limiter le temps passé sur les réseaux sociaux, ou prendre du recul par rapport aux comparaisons, peut être bénéfique pour la santé mentale. Il est important de se rappeler que ce que l’on voit en ligne est souvent une version éditée de la réalité.
Chercher du mentorat : trouver un mentor ou rejoindre un réseau de soutien professionnel peut permettre de discuter ouvertement des doutes et des défis rencontrés. Avoir des retours constructifs de la part de professionnels plus expérimentés aide à relativiser ses propres craintes et à obtenir des conseils avisés.
Pratiquer l’autocompassion : apprendre à être plus indulgent avec soi-même est essentiel. Il faut accepter que l’erreur fasse partie du processus d’apprentissage, et qu’aucune carrière ne soit sans embûches. Pratiquer la bienveillance envers soi-même aide à réduire la pression excessive que l’on peut se mettre.
Le syndrome de l’imposteur est un défi mental que beaucoup de jeunes diplômés rencontrent lors de leurs premiers pas dans la vie active. S’il peut constituer un frein à l’épanouissement professionnel, il n’est pas insurmontable. Avec des stratégies adaptées, du soutien et une dose de recul, il est possible de transformer cette épreuve en une opportunité de croissance personnelle et professionnelle. L’entrée dans le monde du travail peut alors devenir une étape formatrice plutôt qu’une source d’angoisse permanente.
Laura TORTOSA