Les rapports de productivité ne le traduisent pas. Les indicateurs de performance ne le comptabilisent pas. Pourtant, sans cette gestion de l’imprévu, maintes réunions n’auraient pas lieu, et le nombre de décisions manquait d’informations fiables.
La charge mentale professionnelle, une constante silencieuse
Pour beaucoup d’assistant(e)s, la frontière entre tâches visibles et invisibles est floue. Organiser une réunion dépasse largement l’envoi d’invitations : il faut jongler avec les disponibilités, prévoir les supports, anticiper les contraintes logistiques, rassurer les participants, et rester prêt à parer tout aléa, le tout, souvent dans l’urgence.
Cette charge mentale professionnelle, faite d’anticipation et d’attention continue, s’ajoute à la charge émotionnelle d’un métier de lien. Être le pivot entre managers, équipes et partenaires extérieurs requiert autant d’endurance psychologique que de compétences techniques. Mais cette présence permanente, ce sens du détail et de la diplomatie ne se voit pas.
Ce que les entreprises ne mesurent pas
Dans la majorité des organisations, les systèmes d’évaluation privilégient les résultats tangibles : projets livrés, coûts optimisés, délais respectés. Or, tout ce qui relève de la coordination, de la fluidité organisationnelle, du bien-être interne ou de l’atmosphère de travail est rarement quantifié.
Le paradoxe est là : plus un(e) assistant(e) accomplit son travail avec excellence, moins on remarque les efforts déployés. Le bon fonctionnement devient une évidence, et l’évidence, une forme d’invisibilité.
Cet angle mort de la performance pose un double enjeu : celui de la reconnaissance et celui de la prévention du surmenage. Car lorsque le travail invisible s’accumule sans visibilité, il nourrit la fatigue et fragilise la motivation.
Vers une valorisation concrète
Mettre en lumière ce temps caché passe d’abord par un changement culturel : reconnaître que les tâches de coordination et d’anticipation sont des compétences à part entière. Plusieurs pistes se démarquent :
- Refondre les outils d’évaluation : inclure des indicateurs qualitatifs liés à la fluidité des processus, à la gestion des imprévus ou à la satisfaction interne.
- Encourager la traçabilité du travail invisible : tenir un journal de tâches ou un rapport d’activités qui met en valeur les interventions discrètes, mais cruciales.
- Former les managers à la reconnaissance transversale : sensibiliser à la valeur du travail d’ombre dans chaque bilan, entretien ou projet.
- Créer des espaces d’échange entre assistant(e)s : mutualiser les bonnes pratiques et construire une culture collective de valorisation.
Redonner la visibilité à l’invisible
Le « temps caché » des assistant(e)s n’est pas une zone grise à combler, mais un pilier à révéler. Il ne s’agit pas de quantifier l’excès, mais de reconnaître le rôle stratégique de celles et ceux qui maintiennent la cohérence opérationnelle au sein des organisations.
Remettre ce travail de l’ombre au cœur de la reconnaissance managériale, c’est aussi affirmer une conviction : sans ces heures invisibles, les entreprises cesseraient de tourner avec la même fluidité. Les valoriser, c’est leur donner la place qu’ils ou elles méritent : une place essentielle.
Laura TORTOSA