Virginie Lourenco
Assistante de direction indépendante dans le Lot-et-Garonne spécialisée dans la gestion administrative du BTP.
Retour sur l’évolution de cette profession, aujourd’hui plus indispensable que jamais, à travers les yeux de Virginie Lourenco, assistante indépendante à Penne d’Agenais, sacré plus beau village de France, dans le Lot-et-Garonne, qui a pu au fil des années et de nombreuses missions pour des entreprises variées observer les changements du métier.

J’avais cette image un peu fantasmée de l’indépendante : libre, forte, débrouillarde, épanouie, parfaitement alignée avec elle-même. Et moi ? J’étais cette secrétaire indépendante dans le BTP, qui galérait plus souvent qu’elle ne voulait l’admettre. Mon activité avançait, oui. Mais en dents de scie. Les périodes creuses étaient trop longues, la solitude pesante, l’instabilité financière épuisante.
Alors le jour où j’ai accepté un poste salarié à temps partiel, j’ai eu l’impression de baisser les bras. Un petit goût d’échec dans la bouche. Comme si je venais de renoncer à un rêve. Comme si je signais une sorte de recul.
Mais le plus dur, ce n’était même pas mon propre regard. C’était celui des autres. Les collègues d’avant, les anciens clients, les abonnés silencieux sur LinkedIn… Tous ceux qui n’ont rien dit, mais dont les silences en disaient long. « Elle n’a pas tenu. » « Elle a dû retourner bosser pour quelqu’un. » Comme si c’était honteux. Comme si le salariat, même partiel, venait effacer toutes mes années d’indépendance. Comme si c’était un aveu de faiblesse.
Et pourtant…
Quelques jours après avoir commencé ce nouveau job, quelque chose s’est détendu en moi. J’ai respiré. Vraiment. Pour la première fois depuis longtemps.
Aujourd’hui, je travaille au service RH d’une entreprise agroalimentaire. Temps partiel, horaires fixes, une équipe chaleureuse, des échanges humains au quotidien. J’avais oublié ce que c’était, la vie collective. Les pauses-café. Les discussions futiles, mais réconfortantes. Les visages, les voix, les sourires — pas derrière un écran, pas à travers un planning ou un devis. Juste là. Présents. Et ça m’a fait un bien fou.
J’ai redécouvert un cadre. Une sécurité. Une stabilité. Ce fameux « filet » qu’on méprise souvent quand on rêve de liberté… jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il permet aussi de créer sans paniquer. De dormir la nuit. D’investir dans son avenir sans vertige.
Et le plus beau dans tout ça ? C’est que mon activité indépendante continue. À son rythme, avec ses clients, ses projets, ses défis. Elle ne disparaît pas : elle respire autrement. Elle gagne en sérénité. En clarté. En liberté, justement.
Parce que c’est ça, le vrai tournant : comprendre que ce n’est pas l’un ou l’autre. Ce n’est pas un choix binaire entre l’indépendance glorieuse et le salariat contraint. On peut habiter l’entre-deux. On peut tordre les règles, recomposer les modèles, construire un chemin qui ne ressemble à aucun autre.
Ma trajectoire n’est pas droite. Elle est mouvante, vivante, souvent floue. Mais elle m’appartient. Et c’est ce qui compte.
Alors non, je n’ai pas échoué. J’ai choisi de respirer. J’ai choisi de m’écouter. J’ai choisi de ne pas tout porter seule, tout le temps.
Et si, au fond, c’était ça… la vraie liberté ?
Virginie LOURENCO