Une mise en scène minimaliste
Geoffrey Duval a choisi une approche sobre et centrée sur le texte, respectant ainsi l’intention originale de l’auteur. « J’ai choisi une mise en scène sobre et épurée pour “Love Letters” avant tout par respect pour les intentions de l’auteur, qui a lui-même conçu cette pièce dans une forme minimaliste, centrée sur la puissance des mots et l’émotion brute des personnages », explique Duval. Cette esthétique minimaliste permet au public de se concentrer pleinement sur l’essence de la pièce : les mots et les émotions qu’ils véhiculent.
Pour enrichir subtilement cette simplicité, le metteur en scène a intégré des éléments visuels qui accompagnent certaines situations des personnages, offrant des repères temporels sans alourdir la scénographie.
L’art de l’interprétation
L’évolution des personnages sur cinq décennies est principalement traduite par le jeu des comédiens. Geoffrey Duval souligne l’importance des variations dans le ton de la voix et des expressions faciales : « Nos réactions silencieuses, nos regards et nos expressions sont des fenêtres ouvertes sur nos émotions profondes, et permettent au spectateur de percevoir ce qui n’est pas écrit et de ressentir toute la complexité de nos liens ».
Il relève le double défi de diriger et de jouer dans la pièce. Cette dualité lui permet d’avoir une vision globale du texte tout en plongeant au cœur de son personnage. « En tant que metteur en scène, j’avais une vision globale du texte, de son rythme et de l’alchimie entre les personnages. Mais en tant que comédien, j’ai dû plonger au cœur de cet homme pudique, retenu, qui exprime souvent plus par ses silences que par ses mots », confie-t-il.
Une résonance contemporaine
Dans notre ère de communication instantanée, « Love Letters » nous rappelle la force du temps long dans l’expression des sentiments. Geoffrey Duval met en lumière cette dimension presque sacrée de la correspondance, en contraste avec la rapidité et l’efficacité, mais parfois le manque de profondeur, des communications numériques actuelles.
L’un des défis majeurs de la pièce est d’explorer l’amour impossible à travers l’absence physique. Geoffrey Duval évite le pathos en optant pour la retenue et la sobriété. « L’émotion naît du non-dit, des silences et de la manière dont les mots résonnent entre les personnages, plutôt que d’une démonstration excessive des sentiments », explique-t-il. Le travail sur le rythme et la musicalité du texte permet de faire entendre ce qui se cache derrière les mots : l’attente, la frustration, l’espoir.
Une alchimie sur scène
La complicité entre Geoffrey Duval et sa partenaire de jeu, Colette Dubois, est un élément clé de la réussite de cette production. « Nous avons travaillé cette complicité avec Colette Dubois en nous appuyant sur une confiance mutuelle et une écoute très fine », révèle Duval. Leur travail sur le regard et la présence scénique crée une tension palpable entre les personnages, malgré l’absence de contact physique.
Geoffrey Duval a fait le choix de conserver la traduction originale d’Alexia Perimony sans y apporter d’ajustements significatifs. « En gardant la traduction originale, nous avons souhaité maintenir l’authenticité du texte et permettre au public français contemporain de s’immerger pleinement dans l’intimité et la profondeur des personnages tels que conçus par A.R. Gurney », explique-t-il.
Un équilibre émotionnel
La pièce aborde des thèmes profonds comme les regrets et les occasions manquées. Duval a travaillé sur l’équilibre entre mélancolie et légèreté dans son interprétation. « Je me suis concentré sur la dynamique entre les personnages et les nuances émotionnelles du texte », dit-il, soulignant qu’il a parfois accentué ou atténué certaines émotions pour mieux refléter l’évolution des relations.
Face aux critiques qui parlent d’anti-théâtre, Duval défend l’intensité dramatique de la pièce. « Toute la tension naît du texte lui-même et de la relation qui se tisse, évolue et se transforme sous les yeux du spectateur », affirme-t-il. Le travail sur la voix, le rythme, les silences et les regards compense l’absence de mouvement scénique traditionnel.
Vers une approche unique
Le parcours atypique de Geoffrey Duval, mêlant tourisme et arts, influence sa direction d’acteurs et sa spatialisation du texte. Cette double expérience lui permet d’aborder la mise en scène avec une approche immersive, où chaque mot devient une destination émotionnelle pour le spectateur.
« Love Letters » est une production théâtrale qui célèbre la puissance des mots et l’intemporalité des émotions humaines. À travers une mise en scène épurée et des interprétations nuancées, la pièce offre une expérience intime et profonde, invitant le spectateur à réfléchir sur la nature de l’amour, du temps et de la communication.
Laura TORTOSA
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