La fonction ne se limite plus à la gestion de l’agenda ou à la logistique des réunions. Dans un contexte où les entreprises cherchent à gagner en rapidité, en transversalité et en résilience, les profils les plus aguerris sont intégrés dans les projets de transformation digitale, la conduite du changement, ou encore la stratégie RSE. Ils deviennent des interlocuteurs de confiance, garants de la fluidité opérationnelle, mais aussi du lien entre les équipes et les directions.
Le rôle de bras droit se formalise dans des postes comme Chief of Staff ou Assistant de Direction Comex, en forte croissance, et désormais convoités dans des structures de taille moyenne ou dans les start-up en hypercroissance.
Les compétences attendues évoluent rapidement. Maîtrise des outils collaboratifs, réflexes cybersécurité, gestion de l’information multilingue ou usage des IA génératives : les entreprises recherchent des profils capables de s’adapter à des environnements complexes et mouvants.
Ces exigences s’accompagnent cependant de disparités notables. Si les postes à haute valeur ajoutée sont revalorisés, les fonctions plus traditionnelles, comme assistant administratif ou commercial, stagnent en termes de salaires et d’opportunités. L’inégalité ne se joue donc pas entre secteurs, mais bien entre types de mission et niveau de contribution perçue.
La féminisation du métier reste dominante, mais certains postes affichent une progression de la parité, en particulier dans les fonctions à haute responsabilité. Le poste de Chief of Staff, par exemple, est aujourd’hui occupé à parts égales par des hommes et des femmes. Ce rééquilibrage s’opère lentement, porté par l’évolution des représentations autour de la fonction.
Malgré cela, la majorité des fonctions support, notamment en régions ou dans les secteurs traditionnels, restent fortement genrées. Le prestige du titre, la visibilité dans l’organigramme et l’accès à la décision semblent être les vrais leviers de répartition genrée plus équilibrée.
Les écarts de rémunération, enfin, soulignent une hiérarchisation de plus en plus nette au sein même de l’assistanat. L’écart entre un assistant administratif débutant en région (27 k€) et un assistant personnel en Île-de-France (70 k€+) illustre un fossé croissant.
Mais au-delà des chiffres, c’est l’utilité stratégique perçue du poste qui détermine son attractivité. Dans un marché qui valorise la capacité à faire le lien, anticiper et accompagner, les assistants qui embrassent cette nouvelle posture hybride voient leur fonction s’éloigner du back-office pour rejoindre le cœur du réacteur.
Assistant(e)s de l’ombre à la stratégie, le grand basculement
Décryptage avec Anne-Claire Bertin, Consultante Senior chez FYTE/Morgan Philips Group, sur une profession en mutation, entre reconnaissance tardive, montée en compétences et bataille pour la revalorisation.
Le rôle d’assistant(e) est-il enfin reconnu à sa juste valeur ou reste-t-il encore sous-estimé ? Vous évoquez une montée en compétences des fonctions, mais aussi de fortes disparités. Où en est-on réellement ?
Le métier d’assistant(e) progresse clairement en reconnaissance, mais cette évolution n’est ni homogène ni acquise. Dans les environnements exigeants tels que les comités de direction, les groupes internationaux, les entreprises en forte croissance, le rôle est désormais perçu comme stratégique. On attend de l’assistant(e) qu’il soit un relais, un filtre, un bras droit capable de coordonner, de décider, parfois même de représenter la direction. Mais cette valorisation reste encore réservée à certaines structures. Ailleurs, le poste est toujours vu comme purement exécutant, ce qui ne reflète plus du tout la réalité du terrain.
Ce qu’on constate aujourd’hui, c’est une transformation à deux vitesses. D’un côté, une montée en gamme indéniable sur des postes de haut niveau, comme Chief of Staff ou Assistant Comex, avec des missions élargies, de la gestion de projets, de la transversalité. De l’autre, des fonctions plus classiques qui stagnent, souvent dans des entreprises qui n’ont pas pris le virage de la transformation. Les écarts s’expliquent par la taille de l’entreprise, le secteur, la localisation… mais aussi parfois par une autocensure chez certains profils, qui n’osent pas se projeter au-delà de leur fiche de poste habituelle.
L’étude montre une forte demande pour les profils « Chief of Staff » et « Assistants Comex ». Que recherchent précisément les entreprises dans ces postes ? Et comment ces attentes diffèrent-elles d’un assistant(e) plus classique ou administratif ?
Les entreprises qui recrutent aujourd’hui sur des postes comme Chief of Staff ou Assistant Comex ne cherchent plus simplement quelqu’un pour organiser un agenda. Elles veulent des profils agiles, solides, capables de représenter la direction, de prioriser les informations, de faire le lien entre plusieurs équipes, voire de prendre la parole à la place du dirigeant. Ce sont des postes où la fiabilité, la discrétion, mais aussi la capacité à anticiper, structurer et décider sont devenues centrales.
Ce qui change par rapport à des fonctions plus classiques, c’est la nature même des missions. L’assistant administratif va rester focalisé sur la gestion quotidienne : réunions, déplacements, logistique. Le profil stratégique, lui, doit comprendre les enjeux business, être capable de négocier avec des interlocuteurs variés, produire des notes de synthèse, gérer des sujets sensibles. On attend de lui ou d’elle qu’il ou elle soit force de proposition. C’est un virage net vers un rôle d’interface, d’architecte de l’organisation, bien au-delà du simple support.
L’IA et les outils numériques transforment tous les métiers. Concrètement, quelles sont les nouvelles compétences clés attendues chez un assistant(e) en 2025 ? Y a-t-il des lacunes fréquentes dans les profils que vous rencontrez ?
L’IA ne remplace pas les assistant(e)s, mais elle redéfinit clairement leurs contours. Aujourd’hui, les entreprises attendent qu’elles ou ils sachent utiliser les outils collaboratifs, automatiser certaines tâches répétitives, comme la rédaction de comptes rendus ou la gestion documentaire, et s’approprier les innovations numériques. Une vraie culture digitale, une curiosité technologique et une capacité à se mettre à jour en continu sont devenues des critères incontournables.
Ce qui manque le plus, parfois, ce n’est pas la compétence technique, mais la posture. On croise encore des profils très compétents, mais qui manquent de confiance en eux. Travailler dans l’ombre, être habitué à rester en retrait, ça laisse des traces. Pourtant, ces métiers évoluent vers plus de visibilité, plus de responsabilités. Et cette évolution se heurte parfois à des freins internes, à des habitudes bien ancrées.
Il faut aussi parler du poids des mots. Un même poste, avec les mêmes missions, sera perçu différemment selon son intitulé. Chief of Staff, par exemple, attire plus de candidats masculins et bénéficie d’une image plus valorisante qu’Assistant de Direction, alors que les compétences attendues peuvent être identiques. On touche ici à un enjeu de reconnaissance, mais aussi d’image du métier, qui doit encore évoluer.
On note une lente progression de la mixité dans certaines fonctions, notamment celles les mieux rémunérées. La fonction d’assistant(e) est-elle en train de se « dégenrer » ? Ou bien les stéréotypes restent-ils très présents selon les intitulés et les secteurs ?
On observe effectivement quelques signaux faibles de mixité, surtout sur les postes à haute responsabilité comme Chief of Staff ou Assistant de Direction Générale. Les hommes y sont plus présents qu’avant, mais soyons clairs : la fonction reste très largement féminisée, et les stéréotypes ont la peau dure. Dans beaucoup d’organisations, on continue d’associer le mot « assistant » à un rôle de soutien féminin, discret, dévoué… souvent bien loin de la réalité des missions actuelles.
Ce qui change, en revanche, c’est que certains intitulés de poste (Chief of Staff, Office Manager) attirent davantage de profils masculins, justement parce qu’ils évoquent une posture plus stratégique, plus « valorisante » dans l’imaginaire collectif. À fiche de poste identique, c’est le titre qui oriente les candidatures. Il y a donc un vrai enjeu à repenser le vocabulaire du métier pour casser ces réflexes genrés, et pour que la reconnaissance suive enfin l’évolution réelle des missions.
En tant que consultante spécialisée, quel est votre rôle aujourd’hui dans cette transformation du métier d’assistant(e) ?
Mon rôle, très concrètement, c’est d’ouvrir les yeux aux entreprises. Leur faire comprendre que ce métier n’est pas un poste de support comme les autres, mais une fonction stratégique à part entière. J’essaie aussi de faire le lien entre le vécu terrain des assistants (leurs attentes, leurs freins, leurs ambitions) et les besoins souvent mal formulés des employeurs. Il y a encore beaucoup d’éducation à faire : sur la valeur réelle de ces profils, sur l’évolution des compétences, et sur la nécessité de casser les clichés. Ce que je répète souvent à mes clients, c’est que n’importe quel membre d’un Comex vous le dira : on ne peut pas avancer sans un bon assistant à ses côtés.