En matière de harcèlement, il y a clairement un avant et un après les mouvements #metoo, #balancetonporc et #balancetonagency. Anecdotique au début des années 2000, le sujet est aujourd’hui au cœur de toutes les attentions, avec une omniprésence sur les réseaux sociaux et une très large couverture médiatique.
Selon une étude menée par Qualisocial — Ipsos de fin 2022 sur 2000 salariés français, un employé sur trois a été victime de harcèlement au travail et quatre sur 10 en ont été témoins. Le phénomène existe bel et bien et semble être omniprésent. Les salariés déclarent très clairement ne pas maîtriser le sujet du harcèlement. Sur 11 situations présentées, seuls 4 % identifient précisément un harcèlement. 44 % des collaborateurs estiment ne pas être assez informés sur la thématique et, malheureusement, peinent à le reconnaitre.
Les contours des situations relevant du harcèlement seraient-ils flous ? Il en existe deux types : le harcèlement sexuel et le harcèlement moral. Ce dernier est défini par le Code pénal et le Code du travail comme « des agissements répétés entrainant une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Prenons un exemple. Dire à un salarié qu’il est incompétent et nul à maintes reprises sur un ton agressif alors que sa charge de travail est conséquente relève du harcèlement. Une infraction punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
En revanche, si la critique sur la qualité du travail est justifiée, même si elle est répétitive, il n’y a pas matière à qualification de harcèlement. « En tant que manager, il faut savoir s’adapter à son interlocuteur », déclare Emilie Meridjen, associée en droit du travail au cabinet d’avocats Sekri Valentin Zerrouk. Si le salarié est plutôt sensible, le choix des mots et du ton est primordial lors d’un reproche ou d’un avertissement.
Dans les cas de harcèlement moral, l’avocate explique que l’« on est souvent dans des contextes hybrides dont les facteurs ont des aspects discriminatoires. » Un employé qui fait son coming-out ou une employée qui revient au travail après un congé maternité sont souvent mis à l’écart par d’autres collègues ou un supérieur hiérarchique.
Le harcèlement sexuel en entreprise
« On peut draguer en entreprise, mais ne pas insister. Quand une personne envoie des signaux de refus, il faut respecter son non-consentement et rester élégant », insiste Emilie Meridjen. D’après l’article 222-33 du Code pénal, « le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. » Toute forme de pression grave, même non répétée, afin d’obtenir un acte sexuel, est également considérée comme du harcèlement sexuel. Même si cela semble évident, demander un câlin à son salarié afin qu’il bénéficie d’une augmentation est clairement une de harcèlement sexuel.
D’après une étude menée par l’Organisation Internationale du Travail de 2017 à 2019, 52 % des femmes et 27 % des hommes ont été victimes de harcèlement sexuel au travail. Comme l’explique la psychologue et coach Audrey Akoun, « dans certains cas les auteurs n’ont pas toujours conscience de leur comportement ». Il faut prendre en compte l’intention de l’harceleur, voire sa culture. Ainsi, dans le cas où le collaborateur est natif d’un pays étranger, il faut le briefer sur les comportements appropriés ou non en France.
L’employeur se doit de préserver la sécurité de ses collaborateurs et prendre des mesures de prévention et de sensibilisation. En effet, faire des campagnes de sensibilisation protège à la fois les salariés et l’entreprise en cas de litige. « Le harcèlement à une nature, code pénal et droit du travail : les sanctions sont à double titre. Les dossiers qui arrivent en droit pénal sont très coriaces. L’objectif est de ne pas en arriver à là », conclut l’associée.
Conséquences psychologiques du harcèlement sur les victimes
« Statistiquement, les victimes sont brillantes, intelligentes et très sensibles, mais cela donne une connotation de personne faible. 30 % des effectifs ont une haute sensibilité. On peut être fort moralement et avoir un syndrome de l’imposteur et une faible estime de soi », explique Audrey Akoun.
À court terme, la victime peut développer une baisse de l’estime de soi, du stress et de l’anxiété, des troubles digestifs, somatiques et du sommeil et de l’hyper vigilance. Elle peut s’isoler, garder le silence ou subitement s’énerver.
À long terme, la victime peut être dépressive, développer des maladies chroniques, un trouble anxieux généralisé et un syndrome de stress post-traumatique. Il peut arriver qu’elle ait envie d’aller travailler, mais n’y parvienne pas ou pire encore, elle peut se donner la mort.
Nicky KABEYA