Après notre enquête sur la fin possible du télétravail tel qu’on le pratique aujourd’hui, regardons l’état des lieux chiffrés France pour l’année 2023. Ils montrent que les salariés qui le peuvent souhaitent pérenniser le travail hybride et qu’un retour en arrière sera difficile à mettre en place par les entreprises.
Le télétravail inscrit dans la loi ?
Dans notre article, nous avions évoqué une possible fin du télétravail, bien que cette pratique soit devenue courante pour de nombreux salariés. Les données de 2023 renforcent cette tendance du travail hybride, avec une nuance notable : selon une étude* menée en juin par Owl Labs, expert en technologies collaboratives hybrides, et le cabinet Vitreous World, 72 % des Français sondés aimeraient que le télétravail soit reconnu comme un droit légal.
Nos précédentes observations sont également confirmées : les employeurs semblent avoir des réserves vis-à-vis du télétravail. En effet, bien que 51 % des employés interrogés travaillent en présentiel à plein temps, seulement 21 % le souhaitent réellement. Cette donnée prend tout son sens lorsque l’on découvre que 61 % estiment être rappelés au bureau en raison d’une perception traditionnelle du travail.
De manière plus large, 47 % des travailleurs français adoptent déjà le travail hybride comme mode de fonctionnement principal. De plus, 41 % refuseraient une proposition d’emploi sans la garantie d’horaires flexibles, bien que ce chiffre soit en baisse par rapport à 2022.
Cependant, l’idée d’ancrer le télétravail dans la législation n’est pas encore à l’agenda, malgré les enjeux environnementaux qu’il pourrait adresser et la hausse des pandémies liées à la surpopulation.
Des entreprises dépassées par la tendance du travail hybride ?
Les entreprises qui n’adoptent pas le modèle de travail hybride sont désormais considérées comme dépassées. Selon la même étude d’Owl Labs, un tiers des employés adoptent le « coffee badging », une tendance qui les voit se rendre au bureau uniquement quelques heures pour marquer leur présence. Seulement 7 % souhaitent adopter cette pratique.
La direction est nette : si les entreprises envisagent de limiter ou d’éliminer le télétravail, elles devront tenir compte de la forte demande pour le travail hybride. Cette hésitation pourrait également engendrer des frictions internes. En effet, 41 % des employés redoutent que ceux travaillant en présentiel bénéficient d’un traitement de faveur, tandis que 37 % estiment que leur progression de carrière pourrait être entravée s’ils optent pour un modèle hybride.
Cependant, les entreprises pourraient trouver des avantages à s’adapter. Par exemple, 20 % des salariés sondés seraient prêts à accepter une réduction de salaire de 15 % en échange d’un travail à distance à temps plein.
Néanmoins, une certaine défiance à l’égard des employés persiste. Les dirigeants semblent avoir renforcé leur surveillance : 41 % des cadres indiquent que leur organisation utilise des logiciels de surveillance, et près de la moitié (47 %) s’inquiètent de cette surveillance, y voyant un signe de défiance.
Des lacunes technologiques à combler
Les entreprises françaises doivent combler leurs lacunes technologiques pour soutenir efficacement le travail hybride. Seulement 25 % d’entre elles ont mis à jour leurs outils de visioconférence. C’est d’autant plus préoccupant que 75 % des salariés estiment que de telles insuffisances technologiques nuisent à leur productivité. En effet, près de 80 % affirment avoir perdu du temps en raison de dysfonctionnements lors de ces sessions virtuelles. L’étude souligne également un besoin criant de formation. Si la jeune génération semble à l’aise avec ces technologies, ce n’est pas nécessairement le cas des générations plus anciennes.
Sur le plan humain, seulement 54 % des salariés estiment que leur manager se préoccupe réellement d’eux. Pourtant, un manager empathique est jugé essentiel par 85 % d’entre eux. Malgré l’essor technologique, l’aspect humain demeure primordial.
Bien que certains prédisent la fin du télétravail, cette éventualité semble encore lointaine. Le travail hybride, combinant le meilleur du travail à distance et du travail en présentiel, apparaît comme le futur du monde professionnel en France. Cependant, une mise en garde s’impose : 38 % des employés se sentent débordés par la multitude de plateformes et logiciels à leur disposition. Mais n’est-ce pas le prix à payer pour maintenir la flexibilité du travail à distance ?
*Étude menée auprès de 2 000 salariés à temps plein.
Matthieu CHAUVIN